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LES DIEUX ONT SOIF

arts le pendît à un arbre et l’écorchât comme Marsyas, en exemple éternel aux mauvais peintres.

Élodie fixa sur lui le regard de ses yeux gais et voluptueux :

— Vous savez haïr, Monsieur Gamelin : faut-il croire que vous savez aussi ai…

— C’est vous, Gamelin ? fit une voix de ténor, la voix du citoyen Blaise qui rentrait dans son magasin, bottes craquantes, breloques sonnantes, basques envolées, et coiffé d’un énorme chapeau noir dont les cornes lui descendaient sur les épaules.

Élodie, emportant sa corbeille, monta dans sa chambre.

— Eh bien, Gamelin ! demanda le citoyen Blaise, m’apportez-vous quelque chose de neuf ?

— Peut-être, dit le peintre.

Et il exposa son idée :

— Nos cartes à jouer offrent un contraste choquant avec l’état des mœurs. Les noms de valet et de roi offensent les oreilles d’un patriote. J’ai conçu et exécuté le nouveau jeu de cartes révolutionnaire dans lequel aux rois, aux dames, aux valets sont substituées les Libertés, des Égalités, les Fraternités ; les as, entourés de faisceaux, s’appellent les Lois… Vous annoncez