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LES DIEUX ONT SOIF

Ou vous avez beaucoup de candeur, ou vous m’en supposez trop.

Desmahis ne trouvait rien à répondre, et elle se félicita comme d’un triomphe de lui avoir ôté tout son esprit.

Au coin de la rue de la Loi, ils entendirent des chants et des cris et virent des ombres s’agiter autour d’un brasier. C’était une troupe d’élégants, qui, au sortir du théâtre Français, brûlaient un mannequin représentant l’Ami du peuple.

Rue Honoré, le cocher heurta de son bicorne une effigie burlesque de Marat, pendue à la lanterne.

Le cocher, mis en joie par cette rencontre, se tourna vers les bourgeois et leur conta comment, la veille au soir, le tripier de la rue Montorgueil avait barbouillé de sang la tête de Marat en disant : « C’est ce qu’il aimait », comment des petits garçons de dix ans avaient jeté le buste à l’égout, et avec quel à-propos les citoyens s’étaient écriés : « Voilà son Panthéon ! » cependant l’on entendait chanter chez tous les traiteurs et tous les limonadiers :

Peuple français, peuple de frères !…

Arrivée à l’Amour peintre :

— Adieu, fit Élodie, en sautant de cabriolet.