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LES DIEUX ONT SOIF

pas de quoi nourrir leurs petits enfants. La misère est grande pour le pauvre monde. Et il en sera ainsi tant que les affaires ne seront pas rétablies.

— Ma mère, dit Gamelin en fronçant le sourcil, la disette dont nous souffrons est due aux accapareurs et aux agioteurs qui affament le peuple et s’entendent avec les ennemis du dehors pour rendre la République odieuse aux citoyens et détruire la liberté. Voilà où aboutissent les complots des Brissotins, les trahisons des Pétion et des Roland ! Heureux encore si les fédéralistes en armes ne viennent pas massacrer, à Paris, les patriotes que la famine ne détruit pas assez vite ! Il n’y a pas de temps à perdre : il faut taxer la farine et guillotiner quiconque spécule sur la nourriture du peuple, fomente l’insurrection ou pactise avec l’étranger. La Convention vient d’établir un tribunal extraordinaire pour juger les conspirateurs. Il est composé de patriotes ; mais ses membres auront-ils assez d’énergie pour défendre la patrie contre tous ses ennemis ? Espérons en Robespierre : il est vertueux. Espérons surtout en Marat. Celui-là aime le peuple, discerne ses véritables intérêts et les sert. Il fut toujours le premier à démasquer les traîtres, à déjouer les complots. Il est incorruptible et sans peur. Lui seul est capable de sauver la République en péril.