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LES DIEUX ONT SOIF

Rois ? demanda Delourmel à ses compagnons ; la pièce mérite d’être vue. L’auteur y montre tous les rois de l’Europe réfugiés dans une île déserte, au pied d’un volcan qui les engloutit. C’est un ouvrage patriotique.

Demourmel avisa, au coin de la rue du Harlay, une petite voiture, brillante comme une chapelle, que poussait une vieille qui portait par-dessus sa coiffe un chapeau de toile cirée.

— Qu’est-ce que vend cette vieille ? demanda-t-il.

La vieille répondit elle-même :

— Voyez, messieurs, faites votre choix. Je tiens chapelets et rosaires, croix, images saint Antoine, saints suaires, mouchoirs de sainte Véronique, Ecce homo, Agnus dei, cors et bagues de saint Hubert, et tous objets de dévotion.

— C’est l’arsenal du fanatisme ! s’écria Delourmel.

Et il procéda à l’interrogatoire sommaire de la colporteuse, qui répondait à toutes les questions :

— Mon fils, il y a quarante ans que je vends des objets de dévotion.

Un délégué du Comité de sûreté générale, avisant un habit bleu qui passait, lui enjoignit de conduire à la Conciergerie la vieille femme étonnée.