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LES DIEUX ONT SOIF

Fouquier-Tinville instruisait l’affaire avec mille autres. On avait saisi sur lui des lettres que l’accusation considérait comme les preuves d’un complot ourdi par Maubel et les agents de Pitt, mais qui n’étaient en fait que des lettres écrites à l’émigré par des banquiers de Londres chez qui il avait déposé des fonds. Maubel, qui était jeune et beau, paraissait surtout occupé de galanteries. On trouvait dans son carnet trace de relations avec l’Espagne, alors en guerre avec la France ; ces lettres, à la vérité, étaient d’ordre intime, et, si le parquet ne rendit pas une ordonnance de non-lieu, ce fut en vertu de ce principe que la justice ne doit jamais se hâter de relâcher un prisonnier.

Gamelin eut communication du premier interrogatoire subi par Maubel en chambre du conseil et il fut frappé du caractère du jeune ci-devant, qu’il se figurait conforme à celui qu’il attribuait à l’homme qui avait abusé de la confiance d’Élodie. Dès lors, enfermé pendant de longues heures dans le cabinet du greffier, il étudia le dossier avec ardeur. Ses soupçons s’accrurent étrangement quand il trouva dans un calepin déjà ancien de l’émigré l’adresse de l’Amour peintre, jointe, il est vrai, à celle du Singe Vert, du Portrait de la ci-devant Dauphine et de plusieurs autres magasins d’estampes