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verses de ma vie, que les hommes étaient de méchantes bêtes, qu’on ne parvient à contenir que par force et par ruse. Mais encore y faut-il mettre quelque mesure, et ne point trop offenser le peu de bons sentiments qui est mêlé dans leur âme aux mauvais instincts. Car enfin, monsieur, l’homme, tout lâche, bête et cruel qu’il est, fut formé à l’image de Dieu, et il lui reste quelques traits de sa première figure. Un gouvernement qui, sortant de la médiocre et commune honnêteté, scandalise les peuples, doit être déposé.

— Parlez plus bas, monsieur l’abbé, dit le secrétaire.

— Le souverain n’a jamais tort, dit M. Roman, et vos maximes, monsieur l’abbé, sont d’un séditieux. Vous mériteriez, vous et vos pareils, de n’être plus gouvernés du tout.

— Oh ! dit mon bon maître, si le gouvernement, comme vous nous le donnez à entendre, consiste dans la fourbe, la violence,