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Nous prîmes place tous trois sous l’auvent, et mon bon maître parla comme il suit :

— Saint Abraham déjà vieux, vivait seul au désert, dans une petite cabane, lorsque son frère mourut, laissant une fille d’une grande beauté, nommée Marie. Assuré que la vie qu’il menait serait excellente pour sa nièce, Abraham fit bâtir pour elle une cellule proche de la sienne, d’où il l’instruisait par une petite fenêtre qu’il avait percée.

» Il avait soin qu’elle jeûnât, veillât et chantât des psaumes. Mais un moine, qu’on croit être un faux moine, s’étant approché de Marie pendant que le saint homme Abraham méditait sur les Écritures, induisit en péché la jeune fille qui se dit ensuite :

» — Il vaut bien mieux, puisque je suis morte à Dieu, que j’aille dans un pays où je ne sois connue de personne.

» Et quittant sa cellule, elle s’en alla dans une ville voisine nommée Edesse, où il y avait des jardins délicieux et de fraîches fon-