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ne nous choque plus. Mais ce serait mal comprendre notre philosophe que d’excuser la vivacité de ses critiques sur les abus de l’ancien régime. M. l’abbé Coignard ne faisait pas grande différence des gouvernements qu’on nomme absolus à ceux qu’on nomme gouvernements libres, et nous pouvons supposer que, s’il avait vécu de nos jours, il aurait gardé une forte dose de ce généreux mécontentement dont son cœur était plein.

Comme il remontait aux principes, il eût découvert sans doute la vanité des nôtres. J’en juge par un de ses propos qui nous a été conservé. « Dans une démocratie, disait M. l’abbé Coignard, le peuple est soumis à sa volonté, ce qui est un dur esclavage. En fait, il est aussi étranger et contraire à sa propre volonté qu’il pouvait l’être à celle du prince. Car la volonté commune ne se retrouve que peu ou point dans chaque personne, qui pourtant en subit la contrainte tout entière. Et l’universel suffrage n’est