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rêts de l’État. Vous saviez que ce sont là des plaisanteries qu’il est indécent de faire aux malheureux. Vous saviez que l’ordre public n’est que la violence organisée et que chacun est juge de l’intérêt qu’il y doit porter. Mais vous lui eussiez fait un tableau véritable et terrible de cet ordre de nature qu’il veut rétablir ; vous lui eussiez montré dans l’idylle qu’il rêve une infinité de tragédies domestiques et sanglantes et dans sa bienheureuse anarchie le commencement d’une tyrannie épouvantable.

Cela m’amène à préciser l’attitude que M. l’abbé Coignard prenait au Petit-Bacchus en face des gouvernements et des peuples. Il ne respectait ni les assises de la société ni l’arche de l’empire. Il tenait pour sujette au doute et objet de disputes la vertu même de la sainte Ampoule qui était de son temps le principe de l’État, comme aujourd’hui le suffrage universel. Cette liberté, qui eût alors scandalisé tous les Français,