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de chausses. Et il lui arrivait souvent de frapper sur sa cuisse en s’écriant : « La coquine ! la coquine ! » Cette fille lui avait pris des pièces d’or ; il lui prenait sa peau ; du moins se vengeait-il sans philosophie, dans la candeur de sa férocité rustique. Il ne songeait point à remplir un devoir auguste en tapotant joyeusement sa culotte humaine. Il vaudrait mieux convenir que, si l’on pend un larron, c’est par prudence et dans le but d’effrayer les autres par l’exemple, et non pas du tout pour attribuer à chacun, comme dit l’autre, ce qui lui appartient. Car, en bonne philosophie, rien n’appartient à personne, si ce n’est la vie elle-même. Prétendre qu’on doit l’expiation aux criminels, c’est tomber dans un mysticisme féroce, pis que la violence nue et que la simple colère. Quant à punir les voleurs c’est un droit issu de la force et non de la philosophie. La philosophie nous enseigne au contraire que tout ce que nous possédons est acquis par violence ou