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cité des juges se borne à discerner les usurpations qui ne sont pas de jeu d’avec celles dont on était convenu en engageant la partie, et cette distinction est à la fois délicate et puérile. Elle est surtout arbitraire. La grande fille qui, dans ce moment même, pend au bout d’une corde de chanvre, avait, dites-vous, volé à madame la conseillère Josse une coiffe de dentelle. Mais sur quoi établissez-vous que cette coiffe appartenait à madame la conseillère Josse ? Vous me direz qu’elle l’avait ou achetée de ses deniers, ou trouvée dans son coffre de mariage, ou reçue de quelque galant, tous bons moyens d’acquérir des dentelles. Mais de quelque façon qu’elle les eût acquises, je vois seulement qu’elle en jouissait comme d’un de ces biens de fortune qu’on trouve et qu’on perd d’aventure et sur lesquels on n’a point de droit naturel. Pourtant je consens que les barbes lui appartenaient, conformément aux règles de ce jeu de la propriété que jouent les hommes en société comme les pauvres enfants à la marelle. Elle tenait à ces barbes et,