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tume de prier pour l’âme des suppliciés.

Hélène Gillet monta les degrés avec les quatre religieux, le bourreau, et sa femme, la bourrelle. Celle-ci, ayant retiré à la patiente la corde qui lui ceignait le cou, lui coupa les cheveux avec ses ciseaux longs d’un demi-pied, et lui banda les yeux ; les religieux récitaient des prières. Cependant le bourreau commença de pâlir et de trembler. Il se nommait Simon Grandjean ; c’était un homme d’apparence débile, et aussi craintif et doux que sa femme la bourrelle semblait féroce. Il avait communié le matin dans la prison, et pourtant il se sentait troublé, sans courage pour faire mourir cette jeune fille. Il se pencha vers le peuple :

— Pardonnez-moi, vous tous, dit-il, si je fais mal ce qu’il me faut faire. J’ai une fièvre qui me tient depuis trois mois.

Puis, chancelant, se tordant les bras et levant les yeux au ciel, il alla se mettre à genoux devant Hélène Gillet, et lui demanda