Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en lui, et il répandit sans solennité les trésors de son intelligence. Cette confiance lui fit défaut, commune pourtant à tous les faiseurs de pensées, de se tenir soi-même pour supérieur aux plus grands génies. C’est une faute qui ne se pardonne pas, car la gloire ne se donne qu’à ceux qui la sollicitent. Chez M. l’abbé Coignard, c’était de plus une faiblesse et une inconséquence. Puisqu’il poussait à ses dernières limites l’audace philosophique, il n’eût pas dû se faire scrupule de se proclamer le premier des hommes. Mais son cœur restait simple et son âme candide, et cette insuffisance d’un esprit qui ne sut pas se tendre au-dessus de l’univers lui fit un tort irréparable. Dirai-je pourtant que je l’aime mieux ainsi ?

Je ne crains pas d’affirmer que, philosophe et chrétien, M. l’abbé Coignard unit dans un mélange incomparable l’épicurisme qui nous garde de la douleur et la simplicité sainte qui nous mène à la joie.