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étalages quelques crayons de femmes nues, si vous aviez, comme moi, médité les vies des Pères du désert. Vous y auriez vu que, dans une solitude affreuse, loin de toute figure taillée ou peinte, déchirés par le cilice, macérés dans la pénitence, épuisés par le jeûne, se roulant sur un lit d’épines, les anachorètes se sentaient percés jusqu’aux moelles des aiguillons du désir charnel. Ils voyaient, dans leur pauvre cellule, des images plus voluptueuses mille fois que cette allégorie qui vous offusque à la vitrine de M. Blaizot. Le diable (les libertins disent la Nature) est plus grand peintre de scènes lascives que Jules Romain lui-même. Il passe tous les maîtres de l’Italie et des Flandre pour les attitudes, le mouvement et le coloris. Hélas ! vous ne pouvez rien contre ses ardentes peintures. Celles qui vous scandalisent sont peu de chose en comparaison, et vous feriez sagement de laisser à M. le lieutenant de police le soin de veiller à la pudeur publique, au gré des citoyens.