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sente une femme nue. Et c’est un spectacle qui ne peut se regarder en face.

— Pardonnez-moi, monsieur, répondit doucement M. Blaizot ; ce frontispice est de Léonard Gautier, qui passait, en son temps, pour un graveur assez habile.

Il m’importe peu, reprit le vieillard, que le graveur soit habile. Je considère seulement qu’il a représenté des nudités. Cette figure n’est vêtue que de ses cheveux, et je suis douloureusement surpris, monsieur, de voir un homme d’âge, et prudent, comme vous paraissez, l’exposer aux regards des jeunes hommes qui fréquentent dans la rue Saint-Jacques. Vous feriez bien de la brûler, à l’exemple du père Garasse, qui employa son bien à acquérir, pour les jeter au feu, nombre de livres contraires aux bonnes mœurs et à la Compagnie de Jésus. Tout au moins serait-il honnête à vous de la cacher dans l’endroit le plus secret de votre boutique, qui recèle, je le crains, beaucoup de livres propres, tant pour le