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monde et dans l’autre. Que serait-ce, si le cœur et la pensée d’un César habitaient ma tête et ma poitrine ? Mes désirs ne connaîtraient point de sexe et je serais inaccessible à la pitié. J’allumerais au dedans et au dehors des guerres inextinguibles. Encore ce grand César avait-il l’âme élégante et une sorte de douceur. Il mourut avec décence sous le poignard de ses assassins vertueux. Jour des Ides de mars, jour à jamais funeste où des brutes sentencieuses détruisirent ce monstre charmant ! Je suis digne de pleurer le divin Jules au côté de Vénus, sa mère ; et si je l’appelle monstre, c’est par tendresse, car dans son âme égale, il ne se trouva rien d’excessif que la puissance. Il avait un naturel sentiment du rythme et de la mesure. Il se plut également dans sa jeunesse aux grâces de la débauche et de la grammaire. Il était orateur et sa beauté sans doute ornait la sécheresse volontaire de ses discours. Il aima Cléopâtre avec cette exactitude géométrique qu’il porta dans tous