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à examiner avec les pâtissiers. Mais ce qu’il importe de considérer, c’est que les empires subsistent, non par la sagesse de quelques secrétaires d’État, mais par le besoin de plusieurs millions d’hommes qui, pour vivre, travaillent à toutes sortes d’arts bas et ignobles, tels que l’industrie, le commerce, l’agriculture, la guerre et la navigation. Ces misères privées forment ce qu’on appelle la grandeur des peuples, et le prince ni les ministres n’y ont point de part.

— Vous vous trompez, monsieur, dit l’Anglais, les ministres y ont une part en faisant des lois dont une seule peut enrichir ou ruiner la nation.

— Oh ! pour cela, répondit l’abbé, c’est une chance à courir. Comme les affaires d’un État sont d’une étendue que l’esprit d’un homme n’embrasse point, il faut pardonner aux ministres d’y travailler aveuglément, ne garder aucun ressentiment du mal ou du bien qu’ils ont fait, et concevoir qu’ils agissaient comme à Colin-Maillard. Au reste,