Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.

stupides et furieux, et qu’il s’y trouve toujours un nombre à peu près égal de nouveau-nés, de mariés, de cocus et de pendus, en quoi se manifeste le bel ordre de la société. Cet ordre est stable, monsieur, et rien ne saurait le troubler, car il est fondé sur la misère et l’imbécillité humaine, et ce sont là des assises qui ne manqueront jamais. Tout l’édifice en acquiert une solidité qui défie l’effort des plus mauvais princes et de cette foule ignare de magistrats, dont ils sont assistés.

Mon père, qui, la lardoire à la main, écoutait ce discours, y fit avec une fermeté déférente cet amendement, qu’il peut se trouver de bons ministres et qu’il se rappelait notamment l’un d’eux, récemment décédé, comme l’auteur d’une ordonnance très sage protégeant les rôtisseurs contre l’ambition dévorante des bouchers et des pâtissiers.

— Il se peut, monsieur Tournebroche, reprit mon bon maître, et c’est une affaire