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vement un petit fromage sur le seuil de la grotte sacrée, dont l’ouverture disparaissait sous la ronce et l’épine. Encore les lapins et les écureuils venaient-ils manger ces mets indigents. Les nymphes, habitantes des forêts et des antres sombres, avaient été chassées de leurs demeures par les apôtres venus de l’Orient. Et, pour qu’elles n’y pussent revenir, les prêtres du Dieu galiléen versaient sur les arbres et sur les pierres une eau charmée, prononçaient des paroles magiques et dressaient des croix aux carrefours des forêts ; car le Galiléen, mon fils, est savant dans l’art des incantations. Mieux que Saturne et que Jupiter il connaît la vertu des formules et des signes. Aussi les pauvres divinités rustiques ne trouvaient plus d’asile dans leurs bois sacrés. Le chœur des capripèdes velus, qui frappaient autrefois d’un pied sonore la terre maternelle, n’était plus qu’une nuée d’ombres pâles et muettes traînant au flanc des coteaux comme la brume du matin que le soleil dissipe.

» Battus, ainsi que d’un vent furieux, par la haine divine, ces spectres tourbillonnaient tout le jour dans la poussière des routes. La nuit