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dans ce cas particulier, les poètes que j’ai étudiés à Bologne, tels qu’Horace le satirique et Stace, me devraient être aussi d’un grand secours, car beaucoup de vérités sont mêlées à leurs fables.

Ayant longtemps agité en lui-même ces pensées et d’autres plus subtiles encore, il leva les yeux et s’aperçut qu’il n’était pas seul. Adossé au tronc caverneux d’une yeuse antique, un vieillard regardait le ciel à travers le feuillage et souriait. À son front chenu pointaient des cornes émoussées. De sa face camuse pendait une barbe blanche, à travers laquelle on apercevait les glandes de son cou. Un poil rude hérissait sa poitrine. Sur ses cuisses une laine épaisse traînait jusqu’à ses pieds fourchus. Il appuya sur ses lèvres une flûte de roseaux, dont il tira de faibles sons. Puis il chanta d’une voix à peine distincte :

Elle fuyait, rieuse,
Mordant aux raisins d’or.
Mais je sus bien l’atteindre,
Et mes dents écrasèrent
La grappe sur sa bouche.

Ayant vu et entendu ces choses, fra Mino fit le signe de la croix. Mais le vieillard n’en fut