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du corps humain et les matières qu’il faut employer pour composer le meilleur ciment.

Craignant que ce Grec ne portât son savoir et son adresse chez quelque autre peintre de la ville, Andrea Tafi ne le quittait ni jour ni nuit. Il l’emmenait chaque matin à San Giovanni, et il le ramenait chaque soir dans sa propre maison, devant San Michele, et il l’y faisait coucher avec ses deux apprentis, Bruno et Buffalmacco, dans une chambre séparée seulement par une cloison de la chambre où il couchait lui-même. Et, comme il s’en fallait d’un demi-pied que cette cloison ne montât jusqu’aux poutres du plancher, on entendait dans une des pièces tout ce qui se disait dans l’autre.

Or le Tafi était un homme de bonnes mœurs et pieux. Il ne ressemblait point à ces peintres qui, au sortir des églises où ils ont représenté Dieu créant le monde et Jésus dans les bras de sa bienheureuse Mère, vont dans les maisons de débauche jouer aux dés, sonner de la trompe, boire du vin et caresser des filles. Il s’était toujours contenté de sa bonne femme, bien qu’elle n’eût pas été faite et formée par