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Je n’espérais plus posséder l’objet de mes vœux, quand, un clair jour d’été, ma mère, après le déjeuner, m’embrassa tendrement, me recommanda d’être sage et m’envoya promener avec la vieille Mélanie, après m’avoir tendu un objet en forme de cylindre, enveloppé dans du papier gris.

J’ouvris le paquet. C’était un tambour. Ma mère n’était déjà plus dans la chambre. Je suspendis ce cher instrument à mon épaule par la ficelle qui servait de bandoulière et ne me demandai point ce que le sort exigerait en retour ; je croyais alors que les dons de la fortune sont gratuits. Je n’avais pas appris à connaître dans Hérodote la Némésis céleste, et j’ignorais cette maxime du poète, que j’ai, par la suite, beaucoup méditée :


C’est un ordre des Dieux qui jamais ne se rompt
De nous vendre bien cher les grands biens qu’ils nous font.


Heureux et fier, la caisse à mon flanc, les baguettes à la main, je m’élançai dehors et marchai devant Mélanie en tambourinant. J’allais au pas de charge, sûr d’entraîner des armées à la victoire. J’avais bien toutefois,