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— Goûte, me dit ma mère, c’est très bon.

C’était très bon, en effet. Cette tige, quand on y mordait, se rompait en fibres sucrées d’un goût vraiment agréable et plus fin que tout ce que j’avais goûté alors de confiseries et de sucreries.

Et cette plante d’une telle douceur me fit songer aux fruits de la contrée où coulent des ruisseaux de sirop de groseilles, à travers des rochers de caramel, bien qu’à vrai dire, je crusse aussi peu au pays de Cocagne que Virgile aux Champs Élyséens, admirés des Grecs,


Quamvis elysios miretur Græcia campos ;


mais je me plaisais, comme Virgile, à des fictions enchanteresses, et mon esprit s’émerveillait, ignorant le traitement que les confiseurs font subir à un pied d’angélique pour le rendre plaisant au palais. Car ce bâton d’émeraude tant délectable n’était autre chose qu’un morceau d’angélique offert à ma chère maman par madame Caumont qui en avait reçu de Niort toute une caisse.

À quelques jours de là, revenant pareillement de la promenade avec ma bonne Mélanie, je sentis dans la chambre de ma mère cette