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Ce jour-là, il me suggéra impérieusement de me tenir à la fenêtre et d’épier le perroquet fugitif. Mais mon regard fouilla en vain toits, gouttières et cheminées : il ne se montra pas. Je commençais à bâiller d’ennui quand un assez grand bruit qui éclata derrière moi me fit tourner la tête et je vis M. Debas, une auge sur la tête, avec une échelle, une cruche, un grapin, des cordes et je ne sais quoi encore.

Il ne faut pas croire pour cela que M. Debas fût maçon ou fumiste. C’était un bouquiniste qui étalait ses livres dans des boîtes sur le parapet du quai Voltaire. Ma mère l’avait surnommé Simon de Nantua, du nom d’un marchand ambulant dont elle me faisait lire l’histoire, en un petit livre aujourd’hui tombé dans l’oubli. Simon de Nantua courait les foires avec un ballot de toile sur le dos et moralisait sans trêve. Il avait toujours raison. Son histoire m’ennuya cruellement et j’en garde un triste souvenir. J’y acquis pourtant la connaissance d’une grande vérité : c’est qu’il ne faut pas avoir toujours raison. M. Debas, comme Simon de Nantua, moralisait du matin au soir et faisait tout, excepté son métier. Serviable aux voisins, travaillant pour