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c’est la peine qui vaut, parce que ma peine, c’est moi, c’est ma vie. Je suis âpre à jouir de ce que j’aime, de ce que j’ai cru aimer. Je ne veux pas perdre. Je suis comme papa : je réclame ce qu’on me doit. Et puis…

Elle baissa la voix :

— Et puis, j’ai des sens, moi. Voilà ! mon cher. Je vous ennuie. Qu’est-ce que vous voulez ?… il ne fallait pas me prendre.

Ces vivacités de langage auxquelles il était accoutumé lui gâtaient son plaisir. Mais il ne s’en alarmait pas. Sensible à tout ce qu’elle faisait, il ne l’était guère à ce qu’elle disait et n’attachait pas d’importance aux paroles, surtout venant d’une femme. Parlant peu lui-même, il était à mille lieues de s’imaginer que les paroles sont aussi des actions.

Bien qu’il l’aimât, ou plutôt parce qu’il l’aimait avec force et confiance, il croyait devoir résister à des fantaisies qu’il jugeait absurdes. Cela lui réussissait de faire le maître quand il ne la contrariait pas ; et, naïvement, il le faisait toujours.

— Vous savez bien, Thérèse, que je ne veux que vous être agréable en tout. N’ayez donc pas de caprices avec moi.

— Et pourquoi n’en aurais-je pas avec vous ? Si je me suis laissé prendre… ou donnée, ce