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Loyer et Martin-Bellème, en entrant, ôtèrent leur chapeau. Ils aperçurent, au fond de la salle, Larivière avec une jolie fille, dont la tunique rose, retenue par une ceinture d’or, était fendue aux hanches sur le maillot.

Elle tenait à la main une coupe de carton doré. En s’approchant, ils entendirent qu’elle disait au général :

— Vous êtes vieux, vous, mais je suis sûre que vous en faites au moins autant que lui.

Et elle montrait dédaigneusement de son bras nu un jeune homme qui, près d’eux, une fleur de gardénia à la boutonnière, ricanait.

Loyer fit signe au général qu’il voulait lui parler ; et, le poussant contre la barre :

— J’ai le plaisir de vous annoncer que vous êtes nommé ministre de la Guerre.

Larivière, méfiant, ne répondit rien. Cet homme mal mis, à cheveux longs, qui, sous son habit flottant et poussiéreux, ressemblait à un prestidigitateur de beuglant, lui inspirait si peu de confiance, qu’il soupçonnait un piège, peut-être même une mauvaise plaisanterie.

— Monsieur Loyer, garde des Sceaux, dit le comte Martin.

Loyer fut pressant :

— Général, vous ne pouvez vous dérober. J’ai répondu de votre acceptation. En hésitant,