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de loin l’approche d’une belle personne. Maintenant que j’ai passé l’âge d’être regardé favorablement par les dames, le ciel a pitié de moi ; il m’épargne leur vue. J’ai de très mauvais yeux. Le plus aimable visage, je ne le reconnais plus. » Elle avait compris et se tenait pour avertie. Elle aspirait maintenant à cacher sa joie dans l’immensité de Paris.

Vivian, à qui elle avait annoncé son prochain départ, l’avait pressée de rester quelques jours encore. Mais Thérèse soupçonnait que son amie restait choquée du conseil qu’elle était venue recevoir, une nuit, dans la chambre des citronniers ; que, tout au moins, elle ne se plaisait plus entièrement dans la familiarité d’une confidente qui désapprouvait son choix, et que le prince lui avait représentée coquette, et peut-être légère. Le départ avait été fixé au 5 mai.

Le jour brillait pur et charmant sur la vallée de l’Arno. Thérèse, songeuse, voyait de la terrasse l’immense rose du matin posée sur la coupe bleue de Florence. Elle se pencha pour découvrir, au pied des pentes fleuries, le point imperceptible où elle avait connu les joies infinies. Là-bas, le jardin du cimetière faisait une petite tache sombre près de laquelle elle devinait la via Alfieri. Elle se revit dans la chambre si chère où, sans doute, elle n’entrerait plus jamais. Les