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qu’on ne se quitte jamais bien. Plus tard, plus tard vous me jugerez mieux. Adieu !

Il la regarda. Son visage maintenant exprimait plus de douleur que de colère. Elle ne lui avait jamais vu ces yeux secs et cernés, ces tempes arides sous des cheveux rares. Il semblait qu’il eût vieilli en une heure.

— J’aime mieux vous avertir. Il me sera impossible de vous revoir. Vous n’êtes pas une femme qu’on peut rencontrer dans le monde quand on l’a eue et qu’on ne l’a plus. Je vous l’ai dit. Vous n’êtes pas comme les autres. Vous avez un poison à vous, que vous m’avez donné, et que je sens en moi, dans mes veines, partout. Pourquoi vous ai-je connue ?

Elle le regarda avec bonté.

— Adieu ! et dites-vous que je ne vaux pas des regrets si cuisants.

Alors, quand il vit qu’elle posait la main sur la clef de la porte, quand il sentit, à ce geste, qu’il allait la perdre, qu’il ne l’aurait plus jamais, il poussa un cri et s’élança. Il ne se rappelait plus rien. Il lui restait l’étourdissement d’un grand malheur accompli, d’un deuil irréparable. Et du fond de sa stupeur un désir montait. Il voulait la reprendre une fois encore, celle qui s’en allait et ne reviendrait plus. Il la tira à lui. Il la voulait simplement, de toute la force de sa