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qu’apaisait un sentiment inconnu, d’une douceur profonde. Elle ne retrouvait pas la stupeur de la première fois qu’elle s’était donnée par amour, la vision brusque de l’irréparable. Elle était sous des influences plus lentes, plus vagues et plus puissantes. Cette fois, une rêverie charmante trempait le souvenir des caresses reçues et baignait la brûlure. Elle était abîmée de trouble et d’inquiétude, mais elle n’éprouvait ni honte ni regrets. Elle avait agi moins par sa volonté que par une force qu’elle devinait meilleure. Elle s’absolvait sur son désintéressement. Elle ne comptait sur rien, n’ayant rien calculé. Sans doute, elle avait eu le tort de se donner quand elle n’était pas libre, mais aussi n’avait-elle rien exigé. Peut-être n’était-elle pour lui qu’une fantaisie violente et sincère. Elle ne le connaissait pas. Elle n’avait pas fait l’épreuve de ces belles imaginations vives et flottantes, qui passent de haut, pour le bien comme pour le mal, la médiocrité commune. S’il s’éloignait d’elle brusquement et disparaissait, elle ne le lui reprocherait pas, elle ne lui en voudrait pas ; — du moins elle le croyait. — Elle garderait en elle le souvenir et l’empreinte de ce qu’on pouvait trouver au monde de plus rare et de plus précieux. Il était peut-être incapable d’un attachement véritable. Il avait cru l’aimer. Il l’avait aimée