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soleil allongeait démesurément les ombres sur les dalles, Thérèse, qui avait voulu marcher seule dans la ville, se trouva devant les deux obélisques de Sainte-Marie-Nouvelle, sans savoir comment elle était venue jusque-là. Elle vit, à l’angle de la place, le vieux savetier qui tirait le ligneul d’un geste éternel. Son moineau sur l’épaule, il souriait.

Elle entra dans l’échoppe, s’assit sur l’escabeau. Et là, elle dit en français :

— Quentin Matsys, mon ami, qu’est-ce que j’ai fait, et qu’est-ce que je vais devenir ?

Il la regarda tranquillement, avec une bonté riante, sans comprendre ni s’inquiéter. Rien ne l’étonnait plus. Elle secoua la tête.

— Ce que j’ai fait, mon bon Quentin, c’est parce qu’il souffrait et que je l’aimais. Je ne regrette rien.

Il répondit à son habitude par le « oui » sonore de l’Italie :

— Si ! si !

— N’est-ce pas, Quentin, que je n’ai pas mal fait ? Mais qu’est-ce qui va arriver maintenant, mon Dieu ?

Elle allait partir. Il lui fit signe d’attendre un peu. Il cueillit avec soin un brin de basilic et le lui offrit.

— Pour le parfum, signora !