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d’« ami », donné à Robert à la première ligne, jouait sur le papier argenté, se teintait en gorge de pigeon et en coquille de nacre, il lui vint aux lèvres un demi-sourire. Les premières phrases lui donnèrent de la peine. Elle précipita le reste, parla beaucoup de Vivian Bell et du prince Albertinelli, un peu de Choulette, dit qu’elle avait vu Dechartre de passage à Florence. Elle vanta quelques tableaux des musées, mais sans goût et seulement pour remplir les pages. Elle savait que Robert n’entendait rien à la peinture ; qu’il admirait uniquement un petit cuirassier, de Detaille, acheté chez Goupil. Elle le revoyait, ce petit cuirassier, qu’il lui avait montré un jour, avec orgueil, dans sa chambre à coucher, près de la glace, sous des portraits de famille. Tout cela, de loin, lui semblait mesquin, ennuyeux et triste. Elle finit sa lettre par des mots d’amitié, d’une douceur qui n’était pas feinte. Car, vraiment, elle ne s’était jamais sentie à ce point paisible et clémente envers son ami. En quatre pages, elle avait peu dit et fait comprendre moins encore. Elle annonçait seulement qu’elle resterait un mois à Florence, dont l’air lui faisait du bien. Elle écrivit ensuite à son père, à son mari et à la princesse Seniavine. Elle descendit l’escalier, ses lettres à la main. Dans l’antichambre, elle en jeta trois