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des bêtises. Depuis un siècle il sort quotidiennement de nouvelles inepties de ses jupes tricolores. Le mariage civil n’est en réalité qu’une inscription, comme tant d’autres, que l’État prend pour s’assurer de la condition des personnes : car, dans un État policé, chacun doit avoir sa fiche. Et toutes ces fiches se valent au regard du fils de Dieu. Moralement, cette inscription dans un gros registre n’a pas même la vertu d’induire une femme à prendre un amant. Trahir le serment prêté devant un maire, qui y songe seulement ? Pour se donner les joies de l’adultère, il faut être une personne pieuse.

— Mais, monsieur, dit Thérèse, nous avons été mariées à l’église.

Puis, d’un accent de sincérité :

— Je ne comprends pas qu’un homme se marie, ni qu’une femme, à l’âge où l’on sait ce que l’on fait, puisse faire cette folie.

Le prince la regarda avec défiance. Il avait de la finesse, mais il était tout à fait incapable de concevoir qu’on pût jamais parler sans but, avec désintéressement et pour exprimer des idées générales. Il s’imagina que la comtesse Martin-Bellème lui découvrait des projets qu’elle voulait traverser. Et, comme déjà il songeait à se défendre et à se venger, il lui fit des yeux de velours et lui parla avec une tendre galanterie :