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assez. Écoutez-moi beaucoup. En 1400, Lorenzo Ghiberti, qui fuyait la guerre et la peste, s’était réfugié à Rimini, chez Paolo Malatesta. C’est lui qui a certainement modelé les figures de ma cloche. Et vous verrez ici, la semaine prochaine, un ouvrage de Ghiberti.

On vint annoncer qu’elle était servie.

Elle s’excusa de les faire dîner à l’italienne. Son cuisinier était un poète de Fiesole.

À table, devant les fiasconi entourés de paille de maïs, ils parlèrent de ce bienheureux xve siècle qu’ils aimaient. Le prince Albertinelli loua les artistes de ce temps pour leur universalité, pour l’amour fervent qu’ils donnaient à leur art et pour le génie qui les dévorait. Il parlait avec emphase, d’une voix caressante.

Dechartre les admirait. Mais il les admirait d’une autre manière.

— Pour louer convenablement ces hommes, dit-il, qui, de Cimabuë à Masaccio, travaillèrent d’un si bon cœur, je voudrais que la louange fût modeste et précise. Il faudrait d’abord les montrer dans l’atelier, dans la boutique où ils vivaient en artisans. C’est là, en les voyant à l’ouvrage, qu’on goûterait leur simplicité et leur génie. Ils étaient ignorants et rudes. Ils avaient lu peu de chose et vu peu de chose. Les collines