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profonde. Il lui importait grandement que le cataclysme fût retardé.

Elle le regarda. Son crâne aride nourrissait à peine quelques cheveux teints en noir. Ses paupières traînaient comme des loques sur ses yeux encore souriants ; de longues peaux pendaient sur sa face jaune, et l’on devinait sous les habits un corps desséché.

Elle songea : « Il aime la vie ! »

Madame Marmet non plus ne voulait pas que la fin du monde fût si proche.

— Monsieur Lagrange, dit madame Martin, vous habitez, n’est-ce pas, une jolie petite maison dont les fenêtres, tapissées de glycine, regardent le Jardin des plantes ? Il me semble que c’est une joie de vivre dans ce jardin qui me fait penser aux arches de Noé de mon enfance et au paradis terrestre des vieilles bibles.

Mais il n’était pas charmé. La maison était petite, mal aménagée, infestée de rats.

Elle reconnut qu’on n’était bien nulle part, et qu’il y avait partout des rats, ou réels ou symboliques, des légions de petits êtres qui nous tourmentaient. Pourtant, elle aimait le Jardin des plantes ; elle voulait toujours y aller et n’y allait jamais. Il y avait aussi le Muséum, où elle n’était pas entrée, et qu’elle était curieuse de visiter.

Souriant, heureux, il s’offrit à lui en faire