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ce guerrier étrusque gardant attaché à son crâne un casque de bronze vert, et portant sur sa poitrine disloquée les lames rongées de sa cuirasse. Il dormait, épars et farouche, parmi des boîtes de bonbons, des vases de porcelaine dorée, des saintes vierges en stuc et de menues boiseries découpées, souvenirs de Lucerne et du Righi. Madame Marmet, dans la gêne de son veuvage, avait vendu les livres de travail laissés par son mari ; de tous les objets anciens recueillis par l’archéologue, elle n’avait conservé que cet Étrusque. Ce n’est pas qu’on n’eût essayé de l’en débarrasser. Les vieux confrères de Marmet lui en avaient trouvé le placement. Paul Vence avait obtenu de l’administration des musées qu’on l’achetât pour le Louvre. Mais la bonne veuve n’avait pas voulu s’en séparer. Il lui semblait qu’avec ce guerrier au casque de bronze vert, ceint d’un léger feuillage d’or, elle eût perdu le nom qu’elle portait dignement et cessé d’être la veuve de Louis Marmet, de l’Académie des inscriptions.

— Rassurez-vous, madame ; une comète ne viendra pas de si tôt heurter la terre. De telles rencontres sont extrêmement peu probables.

Madame Martin répondit qu’elle ne voyait aucun inconvénient sérieux à ce que la terre et l’humanité fussent anéanties tout de suite.

Le vieux Lagrange se récria avec une sincérité