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rées ; les unes sont allées sous un ciel transparent, le long des blancs promontoires que baigne une mer bleue qui chante ; les autres se sont plongées dans les brumes mélancoliques qui, sur les rivages des mers du Nord, mêlent la terre au ciel et ne laissent deviner que des formes incertaines et monstrueuses. D’autres ont campé dans les steppes monotones où paissaient leurs maigres chevaux ; d’autres ont couché sur la neige durcie, ayant sur la tête un firmament de fer et de diamants. Il en est qui sont allées cueillir la fleur d’or sur une terre de granit. Et les fils de l’Inde ont bu à tous les fleuves de l’Europe. Mais, partout, dans la cabane, ou sous la tente, ou devant le feu de broussailles allumé dans la plaine, l’enfant d’autrefois, devenue aïeule à son tour, répétait aux petits les contes qu’elle avait entendus dans son enfance. C’étaient les mêmes personnages et la même aventure ; seulement la conteuse donnait, sans le savoir, à son récit les teintes de l’air qu’elle avait si longtemps respiré et de la terre qui l’avait nourrie et qui allait bientôt la recevoir. La tribu reprenait sa marche à travers les fatigues