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délicieux, la figure d’Antigone m’apparut dans son inaltérable pureté. Quelles images, dieux et déesses qui flottiez dans le plus pur des cieux ! Le vieillard aveugle, le roi mendiant qui longtemps erra, conduit par Antigone, a reçu maintenant une sépulture sainte, et sa fille, belle comme les plus belles images que l’âme humaine ait jamais conçues, résiste au tyran et ensevelit pieusement son frère. Elle aime le fils du tyran, et ce fils l’aime. Et tandis qu’elle va au supplice où sa piété l’a conduite, les vieillards chantent :

« Invincible amour, ô toi qui fonds sur les riches maisons, toi qui reposes sur les joues délicates de la jeune fille… »

En vérité mademoiselle Jeanne, tenez-vous bien à savoir ce que je lis ? Je lis mademoiselle, je lis qu’Antigone ayant enseveli le vieillard aveugle broda une belle tapisserie sur laquelle se déroulaient de riantes figures.

— Ah ! me dit Gélis en riant, ce n’est pas dans le texte.

— C’est une scolie, lui répondis-je.

— Elle est inédite, ajouta-t-il, en se levant.


Je ne suis pas un égoïste. Je suis sage ; il faut