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Je poursuivis :

— Il y a là, derrière, une petite chambre que ma gouvernante a nettoyée et préparée à votre intention. Vous y remplacerez des bouquins comme le jour succède à la nuit. Allez voir avec Thérèse si cette chambre est habitable. Il est entendu avec madame de Gabry que vous y coucherez ce soir.

Elle y courait déjà ; je la rappelai :

— Jeanne, écoutez-moi encore : Vous vous êtes fait jusqu’ici bien venir de ma gouvernante qui, comme toutes les vieilles gens, est assez morose de son naturel. Ménagez-la. J’ai cru devoir la ménager moi-même et souffrir ses impatiences. Je vous dirai, Jeanne, respectez-la. Et en parlant ainsi, je n’oublie pas qu’elle est ma servante et la vôtre : elle ne l’oubliera pas davantage. Mais vous devez respecter en elle son grand âge et son grand cœur. C’est une humble créature qui a longtemps duré dans le bien ; elle s’y est endurcie. Souffrez la roideur de cette âme droite. Sachez commander ; elle saura obéir. Allez, ma fille ; arrangez votre chambre de la façon qui vous semblera le plus convenable pour votre travail et votre repos.