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voir Jeanne, qu’il a mise dans un pensionnat des Ternes où elle est très malheureuse.

Nous prîmes jour ; je baisai les mains de madame de Gabry et nous nous séparâmes.


Du 2 au 5 mai.

Je l’ai vu dans son étude, maître Mouche le tuteur de Jeanne. Petit, maigre et sec, son teint semble fait de la poussière de ses paperasses. C’est un animal lunetté, car on ne peut l’imaginer sans ses lunettes. Je l’ai entendu, maître Mouche ; il a une voix de crécelle et il parle en termes choisis, mais j’eusse préféré qu’il ne choisît pas du tout ses termes. Je l’ai observé, maître Mouche ; il est cérémonieux et guette son monde du coin de l’œil, sous ses lunettes.

Maître Mouche est heureux, nous a-t-il dit, il est ravi de l’intérêt que nous portons à sa pupille. Mais il ne croit pas qu’on soit sur la terre pour s’amuser. Non, il ne le croit pas ; et je dirai, pour être juste, qu’on est de son avis quand on est près de lui, tant il est peu récréatif. Il craindrait qu’on donnât une idée fausse et pernicieuse de la