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contemplai pas sans inquiétude, en songeant que la riche bibliothèque de M. Honoré de Gabry, installée dans une pièce voisine, était exposée depuis si longtemps à des influences délétères. Mais, en considérant le jeune marronnier du salon, je ne pus m’empêcher d’admirer la vigueur magnifique de la nature et l’irrésistible force qui pousse tout germe à se développer dans la vie. Par contre, je m’attristai à songer que l’effort que nous faisons, nous autres savants, pour retenir et conserver les choses mortes est un pénible et vain effort. Tout ce qui a vécu est l’aliment nécessaire des nouvelles existences. L’Arabe qui se bâtit une cabane avec les marbres des temples de Palmyre est plus philosophe que tous les conservateurs des musées de Londres, de Paris et de Munich.

11 août.

Dieu soit loué ! La bibliothèque, située au levant, n’a pas éprouvé d’irréparables dommages. Hors la lourde rangée des vieux Coutumiers in-folio que les loirs ont percée de part en part, les livres sont intacts dans leurs armoires grillées.