Page:Anatole France - La Vie littéraire, III.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’homme est de chercher à s’instruire par le moyen de la dialectique, lequel est infaillible ; car on doit toujours mettre une vérité au bout d’un raisonnement, comme un nœud au bout d’une natte ; car, sans cela, le raisonnement ne tiendrait pas, et il faut qu’il tienne ; car on attache ensuite plusieurs raisonnements ensemble de manière à former un système indestructible, qui dure une dizaine d’années. Et c’est pourquoi la critique objective est la seule bonne.

M. Ferdinand Brunetière tient l’autre pour fallacieuse et décevante. Et il en donne diverses raisons. Mais je suis bien forcé de reproduire d’abord le texte incriminé. C’est un endroit de la Vie littéraire où on lit ceci :

Il n’y a pas plus de critique objective qu’il n’y a d’art objectif, et tous ceux qui se flattent de mettre autre chose qu’eux-mêmes dans leur œuvre sont dupes de la plus fallacieuse philosophie. La vérité est qu’on ne sort jamais de soi-même. C’est une de nos grandes misères. Que ne donnerions-nous pas pour voir, pendant une minute, le ciel et la terre avec l’œil à facettes d’une mouche, ou pour comprendre la nature avec le cerveau rude et simple d’un orang-outang ? Mais cela nous est bien défendu. Nous sommes enfermés dans notre personne comme dans une prison perpétuelle. Ce que nous avons de mieux à faire, ce semble, c’est de