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Il respecte les traditions et il aime les nouveautés. Il a l’esprit libre avec le goût des croyances. Sa critique, indulgente jusque dans l’ironie, est, à la bien prendre, assez objective. Et si, quand il a tout dit, il ajoute : « Que sais-je ? » n’est-ce pas gentillesse philosophique ? Je ne démêle pas bien dans sa manière ce qui mécontente M. Brunetière, sinon, peut-être, une certaine gaieté inquiétante de jeune faune.

Quant à M. Paul Desjardins, ce qu’on peut lui reprocher, ce n’est point une gaieté trop légère. Je ne crois pas lui déplaire en disant qu’il se donne la figure d’un apôtre, plutôt que celle d’un critique. C’est un esprit distingué, mais c’est surtout un prophète. Il est sévère. Il n’aime point qu’on écrive. Pour lui, la littérature est la bête de l’Apocalypse. Une phrase bien faite lui semble un danger public. Il me fait songer à ce sombre Tertullien, qui disait que la sainte Vierge n’avait jamais été belle, sans quoi on l’eût désirée, ce qui ne peut s’imaginer. Selon M. Paul Desjardins, le style, c’est le mal. Et pourtant M. Paul Desjardins a du style, tant il est vrai que l’âme humaine