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exagération. » Comme elle entrait dans sa dix·huitième année, le 3 février 189*, à six heures du soir, occupée à mettre le couvert sur la table de la salle à manger, elle crut entendre la voix de sa mère qui lui disait : « Claudine, va dans ta chambre. » Elle y alla et vit, entre le lit et la porte, une grande lumière, et elle entendit la voix qui parlait dans cette lumière : « Claudine, disait-elle, il faut que ce pays-ci fasse pénitence. Cela éviterait de grands malheurs. Je suis sainte Radegonde, reine de France. » Mademoiselle Deniseau distingua alors dans la clarté un visage lumineux et comme transparent qui portait une couronne d’or et de pierreries.

Depuis lors, sainte Radegonde venait converser chaque jour avec mademoiselle Deniseau à qui elle découvrait des secrets et faisait des prophéties. Elle avait prédit les gelées, qui brûlèrent la vigne en fleur, et révélé que M. Rieu, curé de Sainte-Agnès, ne verrait pas les fêtes pascales. Le vénérable