Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supérieur demeura silencieux, les mains croisées et les yeux baissés.

Puis, secouant la tête et tournant ses clés entre ses doigts :

— J’ai beau y regarder, dit-il, je ne découvre là, ni d’un côté ni de l’autre, des œuvres méritoires, de bonnes actions. Je n’y vois que des vertus humaines.

J’admirais. En quelques mots, c’était toute une doctrine. Ce simple vieillard exprimait tranquillement, avec douceur, les sentiments de profonde et de sainte inhumanité dont il était nourri. C’était un religieux. Il professait que les œuvres sans la foi sont vaines. Je ne dis pas qu’il fût capable pour cela de dessécher et désoler le cœur des petits gars girondins qui passaient sous sa férule dans la vieille maison Bouquey. Il ne faut pas supposer tant de vertus à une doctrine. Mais enfin, comme disait l’abbé Morellet quand on lui parlait des chefs-d’œuvre de la pénitence : « Si ce n’est pas là du fanatisme, je demande, qu’on m’en donne la définition ».

Et c’est pourquoi nous sommes heureux d’entendre un ministre des Cultes déclarer que les enfants reçoivent à l’école laïque « les principes d’une morale d’autant plus solide qu’elle est indépendante de tout dogme et d’autant plus noble qu’elle est dérivée uniquement des idées éternelles et nécessaires de justice, de devoir et de droit ».