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L’administration des diocèses passera peu à peu à des moines qui y déploieront leur esprit d’affaires et d’intrigues, un génie commercial qui passe celui des Juifs, le sens et le goût des entreprises secrètes, des affiliations, des complots et des acheminements ténébreux. Il y aura des évêques rusés, il y en aura de violents. Plusieurs, sans doute, se jetteront dans cette démagogie que les Croix de Paris et des départements ont pratiquée avec un art grossier et puissant et qui a profondément troublé la République.

L’Église appellera la violence. Il lui faudra des martyrs. Tout son espoir est dans la guerre religieuse. La première séparation de l’an III lui fut favorable parce qu’elle avait été précédée de la Terreur et qu’elle s’accomplit sous des lois sanglantes. L’État, en persécutant les prêtres, leur donnerait une force nouvelle. Il ne les vaincra qu’en leur opposant une invincible tolérance.

Point de vexations ni de tracasseries. Pour être efficaces, il faut que les lois aient autant de douceur que de fermeté. Si nous sommes sages, nous amortirons par la profonde équité de nos lois et de nos mœurs les colères et les haines de l’Église séparée. Les mandements séditieux se noieront dans la liberté de la presse ; les sermons révolutionnaires tomberont dans la liberté de réunion.

La vertu de la séparation est dans la séparation elle-même et non dans les sévérités légales qu’on y pourrait mettre. La séparation atteint l’Église dans son principe même. Ce qu’il y a d’essentiel à l’Église