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pour ses yeux et elle en mouilla sa langue avec volupté. Elle s’intéressa aux plats qu’on lui servait, et surtout aux pommes soufflées, semblables à des ampoules d’or. Puis elle observa les déjeuneurs attablés dans la salle et s’amusa d’eux, leur prêtant, sur leur mine, des sentiments ridicules ou des passions grotesques. Elle remarquait les regards malveillants que lui jetaient les femmes, et les efforts que faisaient les hommes pour lui paraître beaux et considérables. Et elle fit une réflexion générale :

— Robert, as-tu remarqué que les gens ne sont jamais naturels ? Ils ne disent pas une chose parce qu’ils la pensent. Ils la disent parce qu’ils croient que c’est celle-là qu’il fallait dire. Cette habitude les rend très ennuyeux. Et il est extrêmement rare de trouver quelqu’un de naturel. Toi, tu es naturel.

— En effet, je ne crois pas être poseur.

— Tu poses comme les autres. Mais tu