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les âges ; je généralisai, je poétisai, je parlai, Dieu me pardonne ! de l’éternel féminin et du désir errant comme un souffle autour des voiles parfumés dont la femme sait parer sa beauté.

L’homme à la barbe assyrienne ne cessait de me regarder fixement. Et je parlais. Enfin il baissa les yeux et je me tus. Il m’est pénible d’ajouter que ce morceau, aussi étranger à ma propre inspiration que contraire à l’esprit scientifique, fut couvert d’applaudissements enthousiastes. La jeune femme de la tribune du Nord battait des mains et souriait.

Je fus remplacé au pupitre par un membre de l’Académie française, visiblement contrarié d’avoir à se faire entendre après moi. Ses craintes étaient peut-être exagérées. La pièce qu’il lut fut écoutée sans trop d’impatience. J’ai bien cru m’apercevoir qu’elle était en vers.

La séance ayant été levée, je quittai la salle en compagnie de plusieurs de mes confrères, qui me renouvelèrent des félicitations à la sincérité desquelles je veux croire.

M’étant arrêté un moment sur le quai, auprès des lions du Creusot, pour échanger quelques poignées de main, je vis l’homme à la barbe assyrienne et sa belle compagne monter en