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MADAME INGRES.

N’est-ce pas le moment de parler de cette femme qui, dans les plus grandes difficultés de la vie, fut toujours pour M. Ingres d’un si utile secours, qui supporta sans une plainte une existence souvent bien pénible, et n’eut pas même un instant la pensée de le détourner d’une voie qu’il suivait si résolument, et qui semblait devoir être fermée à tout succès ?

« La peinture d’Ingres ne la regardait pas. Son devoir était de le soigner, de le tirer d’affaire. » Elle fut merveilleuse à ce point de vue-là.

Il y avait un côté maternel dans son affection pour son mari ; elle craignait pour lui, lorsqu’il sortait seul, les accidents, les voitures ; elle le faisait marcher devant lorsqu’ils étaient ensemble. « Sans moi, il irait se jeter sous toutes les roues. »

Mais, si elle ne se mêlait pas de sa peinture, elle ne lui permettait pas, par contre, de se mêler du ménage. Comme tous les artistes d’alors, M. Ingres ne connaissait pas le prix de l’argent. Madame Ingres, qui n’en avait pas ou en avait bien peu, y tenait ; même, assez longtemps, elle ne lui mit dans sa bourse que bien juste ce qui lui était nécessaire : « S’il avait un louis dans sa poche, il le donnerait au premier mendiant qu’il rencontrerait. »

« Croiriez–vous, me disait–elle un jour, qu’il est