plus à l’atelier : je n’étais pas alors aussi lié avec lui que je le fus depuis, et personne ne s’en aperçut trop.
Un jour, sur le pont des Arts, il se trouve tout à coup en face de M. Ingres ; il cherche à l’éviter, mais le maître va droit à lui.
« Eh bien ! Lefèvre, on ne vous voit plus, est-ce que vous avez été malade ?
— Non, monsieur, balbutia Lefèvre en rougissant.
— Alors pourquoi ne travaillez-vous pas ? Vous n’êtes plus tout jeune, vous n’avez pas de temps à perdre. »
Pressé dans ses retranchements : « Je vous avoue, monsieur, dit Lefèvre, que je suis un peu en retard avec le massier… à qui je dois deux mois… » Il n’avait pas achevé, que M. Ingres bondit.
« Comment, monsieur, est-ce que vous voulez m’insulter ?… Vous ai-je donné le droit de me parler ainsi ? Suis-je un marchand ? est-ce que je vends mes conseils ?… Monsieur (dans ces cas-là, M. Ingres s’exaltait en parlant, et sa tête, comme dans les discussions d’art, devenait admirable d’expression), vous viendrez demain à l’atelier, ou je considérerai votre conduite comme une insulte personnelle… Et que jamais cette question ne revienne entre nous ! »