Page:Amélie Gex - Poésies - 1879.pdf/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100


Soldats, entendez-vous la France désolée
Qui vers chaque horizon jette son triste appel,
Mais qui, fière et sanglante et de tous isolée,
Dédaigne cet espoir d’être un jour consolée
            De son deuil maternel !

« Oh ! mes preux où sont-ils ?… Ceux que j’ai vus naguère,
Jeunes et souriants à leur rêve vermeil,
Partir, enfants joyeux, pour quelque sainte guerre,
Dites-moi sous quels cieux et sur quelle autre terre
            Ils dorment leur sommeil !

« Oh ! dis-moi, qu’as-tu fait de mes fils, Italie ?…
De ceux qui, t’arrachant à ton rude geôlier,
Quand tu tendais la main, languissante, affaiblie,
Te rendirent, un jour, fière, forte, ennoblie,
            À ton roi chevalier ?…

« Magenta ! Palestro ! Solferino ! batailles
Où d’un sang jeune et pur j’arrosais ton drapeau,
N’ai-je pas pour payer ces chaudes représailles,
Su donner, ô ma sœur, le fruit de mes entrailles,
            Sans murmure, au tombeau !

« Hélas moi seule sais ce que la gloire est vaine !
Car seule je prêtais, sans jamais les compter,
Contre tous les tyrans de la famille humaine,
Mes trésors et mes fils… À ma main toujours pleine
            Rien ne semblait coûter !